Loi ou morale?

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Hannibal
Larve filiforme
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Loi ou morale?

Message par Hannibal »

Voila, je voudrais lancer un débat qui peut-être n'intéresse pas grand monde, mais qui ici aura, je pense, plus de succès.
En fait, j'ai étudié cette année l'oeuvre de Diderot avec des extraits de la plupart de ces oeuvres, et on voit bien qu'une même question l'a taraudé toute sa vie, et qui maintenant me hante également ;)
La voici: faut-il appliquer la loi même lorsqu'elle se révèle injuste dans un cas précis? peut-on se permettre de passer au-dessus de la loi dans ces cas là?

Personnellement, je pense qu'il faudrait plus écouter sa morale que la loi si cette dernière se révèle injuste, mais malheuresement, on peut à juste titre supposer que le contournement d'une loi injuste pourrait vite se répercuter s'il est officiel, et ainsi provoquer une multitude d'abus?

Je n'en sais pas plus, c'est pourquoi j'aimerais savoir si vous pensez comme moi ou si vous pouvez m'éclairer un peu plus en m'exposant vos avis... bonne réfléxion :lol
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diamant
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Message par diamant »

ca me plait bien ton sujet, en plus c'est ce que je fais en première année de droit dans intro méthodologique au droit. Et il faut dire que bien qu'on m'est donné les deux points de vue qui se résument donc en droit positif ou droit naturel, je ne sais pas trop quoi penser hormis le fait qu'il est évident que ca necessite réflexion ...
Juste une petite precision, droit positif c'est les règles en vigueur dans un état donné à un moment donné, on les applique car elles sont instituées et que c'est comme ca. Et le droit naturel, considère qu'il y a quelque chose au dessus, apparement la morale comme tu le dit, qui justifie que l'on puisse ne pas obéir à certaines lois sous pretexte qu'elles sont injustes. Je ne crois pas avoir dis de betise ... mais si c'est le cas je vous fait confiance pour me reprendre, d'autant que je sais que nous avons des fourmis juristes ;-)
Dans l'idée je trouve que c'est bien d'envisager un droit naturel, cela permet de moraliser les choses, d'éviter les abus, etc. Mais d'un autre côté je vois pas bien comment le mettre en place. Et en plus je ne suis pas convaincue que nous ayont tous la meme morale ... alors peut etre qu'il faut essayer de moraliser les règles avant qu'elles rentrent en application; parce que si on dit qu'on ne respecte pas certaines règles sous couvert qu'elles sont contraire à la morale, on peut aboutir à des dérives, et à un problème de désorganisation.
En fait, il faudrait peut etre une petite association des deux ... mais est ce possible ? honnetement je n'en sais rien ...
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Canard
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Message par Canard »

Pouvez vous donner des exemples de lois injustes? D'ailleurs ça me semble un paradoxe.
Ou plutot est ce dans l'application de celle-ci?
Enfin cela ne me parait pas très clair donc si vous avez des exemples!
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Couve ton oeuf camarade!! :)
Hannibal
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Message par Hannibal »

Et bien pour ta demande d'exemples, je ne vais qu'utiliser certains passages d'un dialogue écrit par Diderot.
Un homme aime de tout son coeur une femme très malade. Il l'épouse et s'occupe d'elle de son mieux, la soigne, dépense tout ses salaires à l'achat de médicaments et la prodigation de soins pour sa femme pendant de longues années.
Malheuresement, elle finit par décéder après de longues années de souffrances atténuées par le dévouement de son mari.
Ce dernier se retrouvant pauvre, car il a dépensé toute sa fortune à soigner sa défunte femme, n'a qu'un moyen pour survivre: utiliser la dot de sa femme.
Mais, selon la loi, si une femme meurt sans enfants, sa dot doit être restituée à sa famille après son décès par le mari.
Que faire selon vous? Doit-il rendre la dot et tenter de survivre en mendiant? Doit-il garder la dot afin de se dédommager d'une partie des dépenses qu'il a du faire pour sa femme?

Voila un exemple typique, mais il y en a encore des milliers d'autres.
Pour la notion de droit naturel, que diamant a tout a fait raison d'évoquer, je vous renvoi justement à l'article "Droit Naturel" de l'Encyclopédie, écrit par Diderot, que vous pouvez lire ici: http://www.action-liberale.org/articles ... derot.html
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exoj.n
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Message par exoj.n »

je pense que la loi n'est pas forcément juste mais qu'elle est logique.
si le mari à soigné sa femme avec son argent c'était un choix personnel et celui de la dot de sa femme n'a rien à voir là dedans.
dans un tel cas,l'homme ne s'en tire qu'avec la bonne conscience d'avoir fait tout son possible pour soigner sa femme.
il est clair que vu la faible dose d'humanité de la part de certaines personnes,la possibilité d'abuser de la situation est inévitable si une quelconque loi l'autorisait,d'où impossibilité de la mettre en pratique.
la loi a les yeux bandés!
Comme il faut faire l'amour, pas la guerre
ne faisons pas l'amer, quand on se gourre
car il parait que l'erreur est humaine
et nous préferons l' hymen à l'horreur.

^^ J'en ai une autre:

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Lame-22
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Message par Lame-22 »

mais si on respecte la morale, ca risque de poser un problème, non? Parce qu'on n'a pas tous la même morale...
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exoj.n
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Message par exoj.n »

oui,c'est clair que d'un point de vue moral.....
mais cela restera un arrangement entre le mari et la famille de sa défunte épouse,c'est une question d'humanité envers les deux parties et la loi n'a rien à voir là dedans.
je le répète,la loi tiens une balance dans une main et ses yeux sont bandés.
il s'agit d'une situation paradoxale car loi et morale sont deux choses opposées.la terre ne modifierai pas la pesanteur sous prétexte qu'un homme obèse n'arrive pas à se déplacer facilement,par contre,ses amis pourraient l'aider à faire un régime. c'est bête à dire mais c'est la même chose.
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Halvorc
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Message par Halvorc »

De toute façon, il y a des juges pour interpréter la loi, et des jurisprudences. Ne vous inquiétez pas, tout fonctionne parfaitement.

Exemple de l'affaire Louise Ménard :
Le procès d’une voleuse de pain
Tribunal de Château-Thierry Audience du vendredi 4 mars 1898 -
Présidence de M. Magnaud Le Tribunal, Attendu que la fille Ménard, prévenue de vol, reconnaît avoir pris un pain dans la boutique du boulanger Pierre, qu’elle exprime sincèrement ses regrets de s’être laissé aller à commettre cet acte;Attendu que la prévenue a à sa charge un enfant de deux ans pour lequel personne ne lui vient en aide, et que, depuis un certain temps, elle est sans travail malgré ses recherches pour s’en procurer; qu’elle est bien notée dans la commune et passe pour laborieuse et bonne mère ; qu’en ce moment, elle n’a pour toute ressource que le pain de deux kilos et les deux livres de viande que lui délivre chaque semaine le bureau de bienfaisance de Charly, pour elle, sa mère et son enfant;

Attendu qu’au moment où la prévenue a pris un pain chez le boulanger Pierre, elle n’avait pas d’argent et que les denrées qu’elle avait reçues étaient épuisées depuis trente-six heures ; que ni elle, ni sa mère n’avaient mangé pendant ce laps de temps, laissant pour l’enfant les quelques gouttes de lait qui étaient dans la maison ; qu’il est regrettable que dans une société bien organisée, un des membres de cette "société", surtout une mère de famille, puisse manquer de pain autrement que par sa faute; que lorsqu’une pareille situation se présente et qu’elle est, comme pour Louise Ménard, très nettement établie, le juge peut, et doit, interpréter humainement les inflexibles prescriptions de la loi;

Attendu que la faim est susceptible d’enlever à tout être humain une partie de son libre arbitre et d’amoindrir en lui, dans une grande mesure, la notion du bien et du mal ; Qu’un acte ordinairement répréhensible perd beaucoup de son caractère frauduleux, lorsque celui qui le commet n’agit que poussé par l’impérieux besoin de se procurer un aliment de première nécessité, sans lequel la nature se refuse à mettre en oeuvre notre constitution physique;

Que l’intention frauduleuse est encore bien plus atténuée lorsqu’aux tortures aiguës résultant d’une longue privation de nourriture, vient se joindre comme dans l’espèce, le désir si naturel chez une mère de les éviter au jeune enfant dont elle a la charge;

Qu’il en résulte que tous les caractères de la préhension frauduleuse librement et volontairement perpétrée ne se retrouvent pas dans le fait accompli par Louise Ménard qui s’offre à désintéresser le boulanger Pierre sur le premier travail qu’elle pourra se procurer;

Que si certains états pathologiques, notamment l’état de grossesse, ont souvent permis de relaxer comme irresponsables les auteurs de vols accomplis sans nécessité, cette irresponsabilité doit, à plus forte raison, être admise en faveur de ceux qui n’ont agi sous l’irrésistible impulsion de la faim;

Qu’il y a lieu en conséquence, de renvoyer la prévenue des fins de poursuites, sans dépens et ce, par application de l’article 64 du Code Pénal

.Par ces motifs, le tribunal renvoie Louise Ménard des fins de poursuites, sans dépens.
(original du jugement aux Archives de l’Aisne, fonds du Tribunal de première instance de Château-Thierry 25 U 61)

Depuis l’affaire Ménard, le droit, en la matière, a évolué au cas par cas à travers la jurisprudence. Depuis le 1er mars 1994, la notion d’ "état de nécessité" chère au Président Magnaud, est désormais inscrite dans les textes et a permis, par exemple, au juge Laurence Noël, présidente du Tribunal de Poitiers, de relaxer en février 1997 une jeune femme sans ressources jugée pour un vol de viande dans un supermarché de Niort. Le parquet ayant fait appel, le jugement a été annulé le 11 avril 1997...
Sur le rôle et la place du juge dans la société, deux conceptions n’ont cessé de s’opposer depuis un siècle. Pour certains, le magistrat doit appliquer la loi et non l’interpréter ou la contester. Il doit défendre la société et non la censurer, suivre le législateur et non le précéder. Vu sous cet angle, polémiquer contre la société c’est introduire la politique dans le prétoire, c’est être un révolutionnaire. Pour d’autres, l’indépendance du juge lui confère le droit d’adapter la loi à la vie, à la complexité des relations humaines et de prendre en compte dans ses jugements les transformations de la société. Le débat introduit par le Président Magnaud n’a rien perdu de son actualité.
Modifié en dernier par Halvorc le ven. déc. 02, 2005 6:47 pm, modifié 1 fois.
Hannibal
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Message par Hannibal »

Et bien j'ignorais cette anecdote et l'établissement de cet "état de necessité", et je trouve que c'est un très grand progrès pour la société mais j'espère que cela n'entraînera pas d'abus de la part de personnes réellement mauvaises... :roll:
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Anne-Lise
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Message par Anne-Lise »

faut-il appliquer la loi même lorsqu'elle se révèle injuste dans un cas précis? peut-on se permettre de passer au-dessus de la loi dans ces cas là?
Selon mon prof de philo (décidément, je l'aime bien celui là...), il faut différencier "légal" et "légitime".
Un acte légal est un acte qui est en accord avec la loi.
Un acte légitime est un acte en accord avec notre loi intérieure, mais pas forcément avec la Loi elle-même.
Selon lui, il n'est pas dorcément mauvais de faire ce qui nous semble légitime, ne serait-ce que pour être en accord avec nous-même. Mais il faut savoir en assumer les conséquences...
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